Avertissement : Le billet qui suit évoque des solutions qui permettent de contourner la loi. Ces citations permettent de mieux comprendre à quel point la logique legislative est en décalage avec la réalité d’internet. Elles n’ont pas vocation à encourager le téléchargement illégal.
La loi Hadopi, votée en septembre 2009, prévoit de repérer, prévenir et sanctionner les internautes qui téléchargent illégalement musiques et films sur le Net à travers les systèmes d’échanges Peer to peer (P2P).
Après plusieurs mois de mises au point, les premiers robots d’Hadopi ont semble-t-il été repérés sur les réseaux d’échanges. C’est le blog officiel d’eMule (solution très usitée des adeptes du P2P légal et illégal) qui l’affirme : la Société TMG, mandatée par l’Hadopi, recueille actuellement les adresses IP des internautes pirates en traçant les albums d’un certain nombre d’artistes : les Black Eyed Peas, Michael Jackson, Diam’s et d’autres. Que ce soit pour tester ses méthodes ou pas, le bras armé d’hadopi est en marche et la riposte graduée est proche…
Le problème, c’est que les internautes ont largement eu le temps d’anticiper la lente mise en place de la loi. Et les alternatives aux Peer to Peer, assez exotiques dans le passé, sont en train d’envahir la Toile… Les armes anti-hadopi sont d’autre part elles aussi sur le point d’anéantir les espoirs de la loi.
La loi Hadopi a augmenté le piratage
Une étude menée par le groupement d’intérêt scientifique breton M@rsoin a révélé début mars que si 15% de ceux qui fréquentaient les réseaux Peer to Peer à des fins illégales ont cessé de le faire après le vote de la loi, seul 1 tiers d’entre eux a réellement stoppé toute forme de piratage. Les autres se sont dirigés vers des solutions alternatives (streaming, téléchargement direct,…) qui sortent du champ d’application de la loi hadopi mais n’en sont pas pour autant légales… Ainsi, selon l’étude de M@rsoin, les formes de piratage s’affranchissant des réseaux P2P connaissent désormais un tel succès que globalement, depuis le vote d’Hadopi, le nombre de pirates aurait gonflé de 3% ! L’enquête des universitaires bretons révèle par ailleurs que 50% des acheteurs légaux téléchargent également des contenus illégaux. Ainsi, selon leurs calculs, couper l’accès internet aux adeptes du seul P2P illégal, comme le prévoit la riposte graduée, ferait disparaître de la Toile 27% des consommateurs de biens culturels (films, musique) légaux ! Une donnée qui vient violemment contrecarrer les « beaux espoirs » des Majors (lire Pascal Nègre : « Hadopi fera décoller le téléchargement légal » – 01net.com). Enfin, les scientifiques confirment que les pirates sont aussi de plus gros consommateurs légaux que les autres. Une réalité déjà connue des experts du web… (lire un autre article à ce propos)
La Fédération Nationale de l’Industrie Phonographique (IFPI) a vivement critiqué l’étude, la qualifiant de « prématuré »; aucun courrier n’ayant encore été envoyé aux pirates. Mais les chercheurs bretons n’ont jamais nié que leur enquête était un « simple » coup de projecteur sur l’impact d’une loi votée mais pas encore appliquée.
LES SOLUTIONS ALTERNATIVES AU P2P
Si le vote de la loi hadopi peut accélérer la migration des pirates vers d’autres solutions moins risquées, le P2P est en déclin depuis de nombreux mois. Les internautes n’ont pas attendu Hadopi pour se rendre plus discrets. Selon Arbor Networks, si le P2P représentait 40% du trafic en 2007, en 2009 ce taux n’était plus que de 18%. La hausse des débits autorisés par l’amélioration des réseaux physiques (adsl 2, câble) a permis l’essor rapide du streaming et du téléchargement direct. L’avènement de la fibre optique risque de décupler le phénomène…
Le streaming illégal. Le streaming permet de regarder un film ou écouter de la musique sans avoir à télécharger le fichier. Avantages : la lecture du fichier est intantannée. Plus besoin d’installer un logiciel permettant de partager avec les autres les fichiers téléchargés (P2P). Un site comme Megavideo (installé à Hong Kong) permet de visionner films et séries avec le confort d’une application en ligne : tout se passe à travers un simple navigateur internet. Une simplicité dont les Majors devraient s’inspirer. Et vous savez quoi ? Une part des utilisateurs de Megavidéo paie (oui oui !) pour pouvoir accéder à plus de contenus ! Une contrainte demeure cependant. La discrétion de ce type de site ne permet pas de trouver un film en se contentant d’en taper le nom dans Google. Il faut se rendre sur des sites spécialisés du type gogo-films.com, atcine.com, streamiz.com… qui renvoient vers le bon fichier.
Défaut : le fichier lu n’étant pas rapatrié sur le disque dur de l’internaute, celui-ci ne peut pas en profiter quand il veut et où il veut. Cette contrainte est la même dans un contexte légal. Pour regarder un film en streaming sur une plateforme légale de VoD (Vidéo à la demande) comme CanalPlay ou Tf1 Vidéo, l’internaute s’acquitte d’un droit d’usage (une espèce de location) limité dans le temps. L’usager peut regarder le film autant de fois qu’il le désire (dans un délai ne dépassant pas généralement les 72 heures) à partir du moment où il a une connexion internet mais le fichier vidéo sera toujours sur les serveurs du diffuseur. Certains arrivent tout de même à garder chez eux le film pourtant regardé en streaming. Mais encore une fois c’est illégal. Des logiciels comme StreamGet sont « légaux » dans la mesure où l’on s’en sert pour rapatrier des vidéos non protégées comme ça peut être le cas sur YouTube ou Dailymotion, les 2 sites de streaming les plus connus censés, eux, éliminer tout contenu illicite de leurs plateformes.
Le téléchargement direct (Direct Download). La montée en puissance des débits autorisés par les FAI ont largement contribué à la popularisation des sites de téléchargement. Des sites comme Megaupload, Rapidshare, Sendspace ou Mediafire servent légalement à héberger et/ou échanger des fichiers. Mais évidemment, on y trouve beaucoup de biens culturels illégaux. On ne peut pas y faire de recherche directement mais des blogs ou sites spécialisés comme Mega-films.net ou Mooton.fr agrègent des milliers de liens qui permettent de télécharger films et séries gratuitement depuis ces espaces discrets dont le plus connu est certainement Megaupload. Mooton.fr précise que pour télécharger un film, l’internaute est légalement censé être en possession de l’original…
Les forums et Newsgroups. Exprès, je regroupe les 2 concepts dans le même paragraphe. Le fait est que les 2 solutions, certes techniquement différentes, permettent de discuter de sujets divers (des plus larges aux plus pointus) et d’échanger des liens et fichiers. Certains forums sont privés et ne sont accessibles que par cooptation… Si les échanges y sont légaux (il faut arrêter de penser qu’on n’échange que des contenus illégaux sur le Net), il faut reconnaître que les offres payantes proposées par des services de Newsgroups comme Giganews ou Usenet.nl font la part belle au téléchargement volumineux, rapide et crypté… 3 facteurs essentiels pour les pirates en herbes…
Là où le P2P était gratuit, force est de constater que les solutions alternatives, streaming, téléchargement, Newsgroups,… génèrent une vraie économie. Leurs grands acteurs sachant récompenser les nombreux intermédiaires capables de leur apporter de nouveaux clients payants. Un phénomène qui s’amplifie sous la pression d’Hadopi. D’autres solutions, plus techniques, existent. Vous en trouverez quelques unes sur le site de Kysban.
Les échanges physiques. Et oui ! Un type d’échange qui a pu ralentir avec l’explosion d’internet mais qui pourrait bien reprendre des couleurs maintenant que la peur du gendarme existe sur la toile. Alors que les Majors ont toujours fait pression pour maintenir des systèmes anti-copie (DRM) sur les fichiers téléchargés légalement (iTunes, Fnac.com, Virgin,…), les CD eux, ont toujours été copiables à l’infini (si on excepte la tentative avortée du Copy Control). Aujourd’hui, toute une panoplie de supports permet de partager sa musique et ses films sans passer par internet : CD vierges, clés USB, disques durs externe, cartes SD… Autant d’objets capables de passer de mains en mains dans la cour de récréation ou devant la machine à café…
LE P2P (CIBLE D’HADOPI) EST-IL MORT ?
Non ! Les échanges de fichiers via le P2P sont la cible exclusive de la loi Hadopi. Utiliser un logiciel de P2P pour télécharger des contenus illégaux fait donc désormais prendre le risque de se faire repérer par les robots de TMG (voir plus haut) et de recevoir mail et courrier d’avertissement. La coupure de l’accès internet ne se concrétisant que si vous persistez après avertissement. Les plus flegmatiques argueront qu’il n’y a que peu de chance de se faire prendre. Les plus prudents choisiront une des solutions citées ci-dessus. Les plus attachés au P2P opteront pour des solutions de cryptage. Des solutions, autrefois réservées aux entreprises, aux experts, aux sites marchands et bancaires, permettent désormais au quidam d’échanger des données légales ou pas sans laisser de traces. Ellesattirent de plus en plus l’internaute lambda. Des solutions dédiées au P2P existent : des réseaux comme Ants ou Mute permettent ou permettront bientôt des échanges chiffrés. Problème : Comme le précise l’auteur du blog Sadroc.TECH, si chacun se met à chiffrer, crypter ou anonymiser ses échanges, le Net passera de l’état « difficilement contrôlable » à celui d' »enfer d’incrontrôlabilité chiffrée en 1024 bit ». Encore une fois certains de ces services sont payants ! Un service comme Relakks.com permet par exemple à tout internaute de naviguer sur le Net avec une adresse IP anonyme et d’échanger des fichiers à travers des « tunnels privés » (VPN). Coût : 45€/an ou 3,75€/mois… Un autre service, simplissime, vous fournit lui une adresse IP jetable qui remplace votre vraie identité. Son nom : IPjetable.net ! Le site vous garantit une navigation anonyme et cryptée. Pour les plus motivés, des solutions du type Freenet ou Darknet permettent de pratiquer le P2P « discret » et plus encore ! Une part de ces « solutions » est encore un peu technique pour l’usager moyen mais la peur du gendarme peut faire des miracles dans le domaine des compétences informatiques du « bon père de famille »…
Seedfuck, l’arme de destruction massive. Et si quelques utilisateurs compétents se chargeaient de faire le boulot pour… tout le monde ? Depuis quelques jours, la blogosphère bruisse d’un bout de code informatique répondant au petit nom de Seedfuck… Ce dernier serait capable de générer plusieurs milliers d’adresses IP fictives mais aussi des fichiers leurres (faux fichiers, fausses traces d’échange,…)… bref, tout ce que trace Hadopi pour confondre les pirates ! parmi les adresses IP que génèrerait Seedfuck, certaines sont fausses, d’autres sont réelles. Autrement dit, un internautes breton pourra télécharger illégalement autant de films qu’il veut en utilisant l’adresse IP d’un alsacien honnête ! Hadopi enverra ses avertissements… à l’internaute alsacien. Rappelons tout de même qu’utiliser l’adresse IP d’un autre, cela s’appelle de l’usurpation d’identité (sur le Net, votre identité c’est votre adresse IP), un délit passible de 5 ans d’emprisonnement et 75 000€ d’amende comme le rappelle Eric Freyssinet, spécialiste en cybercriminalité. Seedfuck prouve cependant l’obsolescence d’une loi qui repose sur des données (adresse IP) loin d’être fiables. Une faille qui risque de mettre à mal les « dossiers made in hadopi » de ceux qui désirent se défendre.
Seedfuck repose également le problème d’un internet inutilisable. Si le cryptage et autres techniques de chiffrement peuvent faire du Net un espace incontrôlable (voir paragraphe « le P2P est-il mort ? »), le Torrent Poisoning de Seedfuck, utilisé à outrance, ne risque-t-il pas de rendre les réseaux P2P inutilisables ? Le P2P étant AUSSI et je dirais même AVANT TOUT une solution permettant le partage de fichiers légaux. Linux, Microsoft et d’autres l’utilisent pour les mises à jour de leurs logiciels, les chercheurs l’utilisent pour partager des données et des ressources de calcul, la téléphonie sur IP s’en sert aussi, etc. Ce qui est certain, c’est que la mission de Trident Media Guard (TMG), la société choisie par l’Hadopi pour traquer les échanges illégaux sur les réseaux Peer to Peer (P2P), risque d’être plus chère compliquée que prévue. Même si Seedfucker ne cible qu’un des protocoles du P2P (le BitTorrent), rien ne dit que demain, un « Seedffucker 2 » ne s’appliquera pas à piéger d’autres protocoles. Les internautes trop partageurs vont-ils définitivement migrer vers les solutions alternatives citées plus haut ? Certainement. Hadopi, elle, se contentera de retenir qu’elle a tué BitTorrent et éventuellement le P2P.
Que reste-t-il à Hadopi ? Une potentielle extension de ses prérogatives. L’Hadopi ne traque que les échanges P2P. Mais un nouveau vote pourrait étendre son champ d’action à d’autres réseaux. Cela ne ferait que déplacer à nouveau le problème… et donnera certainement lieu à un nouveau billet.
Sources
13 solutions de téléchargement oubliées par hadopi
Mooton.fr : téléchargement illégal ?
Hadopi pourrait bien causer beaucoup de tord aux ayants-droit
L’étude de chercheurs bretons sur l’efficacité d’Hadopi n’a pas de sens selon les Majors
Une étude mesure les premiers effets de la loi Hadopi
Megavideo bouscule le peer-topeer en France