Quelques jours après que Nicolas Sarkozy ait traité les internautes de voleurs de supermarchés, c’est Luc Besson qui prend le relais des majors avançant, à travers Le Monde et canal Plus, des chiffres fantaisistes (« 500 000 vols de films chaque jour en France ») et jugeant à l’emporte-pièce une situation (les nouveaux usages vis-a-vis des biens culturels) qui mérite pourtant une grande subtilité d’analyse. Mais Besson n’est pas là pour être subtil : C’est un poids lourd de l’industrie cinématographique française et à ce titre, il défend son bifteck et celui des ses camarades corporatistes, quitte à être de mauvaise foi, quitte à dire n’importe quoi, quitte à manipuler des chiffres, quitte à traiter ses spectateurs de pirates, de voleurs et de consommateurs de drogue ! Voir la tribune de Luc Besson dans le Monde.
La vérité, c’est que les Majors du cinéma, plus encore que celles de la musique, paniquent. Les ventes de DVD, grandes pourvoyeuses de cash, s’essoufflent pour la 4 ème année consécutive et les chaînes de télévision, argentières « privilégiées » de l’industrie cinématographique, perdent de leur pouvoir financier. Parallèlement pourtant, les Majors campent traditionnellement sur leur marché physique et haut de gamme (film en salle à 10€, dvd à 20€ et Blu-Ray à 30€) et refusent largement d’accepter les nouvelles valeurs de leur secteur : l’obsolescence rapide des produits « culturels », le low cost, le zapping, le partage des gains,… Les Majors misent sur le Blu-Ray à la valeur ajoutée pas si évidente que ça (1080 lignes affichées sur un écran de 42′ à 1 800€ n’ont jamais transfiguré un film au point de convaincre des dizaines de millions de personnes de remiser leur lecteur DVD à 70€ au profit d’un lecteur Blu-ray à 300€ qu’il faut alimenter avec des films rares et chers). Soit dit en passant : même les fans de cinéma à domicile, early adopters dans l’âme, restent dubitatifs devant l’indigence du packaging des blu-ray (plastique bas de gamme, absence de livret,…) , loin, très loin de reflèter l’apport qualitatif du support et qui peine logiquement à générer l’achat coup de coeur si répandu chez le connaisseur.
Les Majors misent sur un chronologie des médias qui s’étire sur des mois et des mois (sortie salle, location DVD, vente DVD, VOD, Diffusion TV) et nient quasiment le confort, l’ergonomie et le formidable potentiel économique des « box TV » ADSL installées par millions sous le téléviseurs français notamment : les catalogues de vidéo à la demande (VOD) sont d’une pauvreté affligeante et affichent des tarifs élevés,… Bref, la VOD est handicapée par une stratégie encore cramponnée à un ancien modèle économique (monopole de la production, de l’édition et de la distribution, pré-achats des TV, marché ultra-rémunérateur du DVD,…) . je comprends parfaitement que toute une industrie peine à s’adapter aux nouvelles donnes de son marché. J’accepte qu’une « vieille » industrie soit un temps sur la défensive. Mais là, et depuis des mois : quelle agressivité ! Quelle arrogance ! Quels dégâts auront été engendrés par les discours rétrogrades et accusateurs des Olivennes, Nègre, Besson (Eric), Sarkozy,… et désormais Luc Besson qui assène entre autre à ses interlocuteurs et lecteurs (pas forcément à la pointe de l’actualité numérique) qu’« Il est un délit maintenant reconnu de tous : celui de visionner des films gratuitement sur son ordinateur via Internet » : une introduction à sa tribune du Monde pour le moins maladroite mais que certains n’hésiteront pas à fustiger… Je vous encourage d’ailleurs à lire la longue et truculente réponse que le savoureux maître Eolas a adressé ce matin au réalisateur du « Dernier Combat ».